Mais dans quelle aventure me suis-je encore embarquée ? L’appel de la montagne a une nouvelle fois frappé ! Quinze jours avant la date, j’ai repéré un trail en Savoie et je me suis dit que ce serait une bonne idée de m’y inscrire. Tout ceci, avec zéro préparation spécifique en amont. Mais que voulez-vous, je ne voulais pas clore la saison sans gambader sur mon terrain de jeu favori, alors j’ai craqué.
Forcément, quinze jours avant, il était temps de me mettre au boulot. J’ai casé quelques séances de côtes, un peu de renforcement musculaire et deux sorties « trail » près de chez moi, histoire de tester l’équipement et de retrouver mes sensations. Je savais que j’allais beaucoup manquer d’expérience et de puissance dans les cuisses. Par contre, grâce aux différents semi-marathons et au marathon courus dans l’année, je me sentais capable d’encaisser des efforts longs. Au final, je me suis très vite retrouvée sur la ligne de départ du trail de l’Aigle, un beau bébé de 26 kilomètres avec environ 1350 m de dénivelé positif.
Le contexte et le retrait des dossards
Nous avons réservé nos vacances en Haute-Savoie avec Guillaume pour profiter des charmes de la montagne l’été. Le trail tombait à pic : pile au début du séjour et pas très loin de notre hôtel. Depuis notre région bien au Nord, nous avons quand même roulé pendant plus de six heures la veille de la course, avant de poser enfin nos bagages.
Fatigués de notre petit périple, nous nous sommes couchés tôt, après avoir avalé un repas consistant. La grosse salade de riz, amie des coureurs ! Le lendemain, le réveil a sonné à six heures. Difficile de s’extraire du lit mais le jour étant déjà levé, nous n’avons pas trop fait les difficiles. Après un petit déjeuner de circonstance, nous avons pris la voiture pour se rendre au Col de la Croix Fry à Manigod, lieu du départ.
La météo a apparemment décidé de faire un petit bond en arrière ce matin là. Douze degrés avant le retrait des dossards, quatorze au moment du départ. Ça change et j’avoue que j’étais bien contente de ne pas vivre une course-canicule.
En tous cas, la bonne ambiance était déjà au rendez-vous, avec petit café offert et grosse tartiflette en préparation. Pas de doute, on est bien à la montagne !
Nous sommes retournés à la voiture pour se changer et vérifier nos sacs. Poche à eau, couverture de survie, sifflet, ravitaillements solides (abricots secs et compote pour moi), dossard, épingles à nourrice… Pour une fois, nous avons bien pensé à tout et il nous reste encore le temps de s’échauffer. Mais l’heure du départ approche et il est temps de rejoindre le flot de coureurs.
Compte-rendu de la course
Neuf heures du matin. Le départ est donné, pile à l’heure. Je me place instinctivement tout derrière pour ne pas gêner les petites fusées, qui s’élancent déjà à vive allure. Le parcours commence par un très court passage sur la route, qui monte, avant de rejoindre la forêt.
Première petite côte assez costaud : les traileurs aguerris alternent déjà marche et course et je choisis de les imiter. Cela ne dure pas, car le parcours débouche déjà sur un sentier dégagé, facilement praticable, sur lequel il est possible de courir. Je m’en donne à cœur joie : en adoptant un petit rythme confortable, je rejoins un peloton de coureurs de mon niveau. Je n’ai pas vraiment de stratégie à ce moment là, si ce n’est d’essayer de faire de mon mieux… Tout en prenant ce trail au sérieux.
Je rentre vraiment dans ma course lorsque les vraies (et longues) côtes arrivent. Les cuisses brûlent, le cardio s’emballe et j’ai l’impression que l’altitude (environ 1500 m au début) se fait sentir. Pourquoi suis-je déjà en train de cracher mes poumons, moi ? Je ne veux rien lâcher et je talonne tant que je peux les filles devant moi. Tout en sachant que c’est un peu n’importe quoi et que je suis peut-être en train de me cramer pour la suite… A côté de cela, je suis aux anges. Je suis en montagne, mon endroit favori au monde, et le parcours est magnifique. Je n’arrête pas de m’extasier et de dire à voix haute que c’est beau.
Avec les premières descentes arrive la première délivrance. Ouf, mon cardio peut enfin souffler un peu et il est temps de jouer au petit cabri. J’envoie tout, tout en sachant encore une fois que ce n’est pas très malin à ce stade de la course. Mais c’est tellement agréable de doubler du monde… et je me dis bêtement que c’est du temps de gagné. Petit sourire en coin lorsque je vois une allure de 4’10/km s’afficher sur ma montre.
Je fais moins la maligne lorsqu’il faut remonter et lorsque je me fais doubler à nouveau. Mais c’est ce que j’adore en trail : un véritable jeu de chassé-croisé, un changement de rythme permanent et une véritable épreuve d’endurance et de patience. Pour l’instant, le chrono n’est pas vilain : je passe les 5 premiers kilomètres en un peu moins de 37 minutes. Mais je commence à avoir un petit coup de mou. Heureusement, le ravitaillement est là, tout en haut de la côte. Encore faut-il la gravir, celle-ci ! Impossible de courir, je marche bravement en me tenant les cuisses.
Au niveau du stand, le ravitaillement est parfait : varié, bien organisé, propre, avec des bénévoles souriants… J’ai un flash des ravitaillements au marathon de Paris complètement dévastés et des sols collants… Au moins en trail, le respect de l’environnement prime. J’avale un bon verre d’eau, je croque dans 2 abricots secs et je repars. Il fait assez frais là-haut, particulièrement avec la brume, donc je ne veux pas me refroidir.
A côté de moi, Guillaume trottine, aussi frais que s’il venait de commencer. Il se paie le luxe de prendre les paysages en photo et d’alimenter sa story sur Instagram (et la mienne !). Je le laisse, tout en sachant qu’il me rattrapera très facilement. Nous entrons dans la forêt : le sentier se resserre et le parcours devient beaucoup plus technique, avec racines glissantes au rendez-vous. Mais ça descend, et ça, c’est mon terrain de jeu. Je ne suis pas encore vraiment fatiguée donc je dévale la pente, toujours pas dans l’optique de m’économiser… Je double, d’abord des hommes… puis une fille en bleu… puis une fille en rose. Je croise aussi un coureur assis sur le côté. Il est blessé. Je fais de mon mieux pour le réconforter mais il a l’air au plus bas… Les secours arrivent, donc je le dépasse également.
Je commence à trouver mon rythme, entre montées, relances et descentes. Le cardio trouve lui aussi sa place et j’ai l’impression que mon corps sait instinctivement ce qu’il doit faire. Tout se passe plutôt bien… Sauf que, sans crier gare, une migraine ophtalmique pointe le bout de son nez. Après seulement 1h de course. Petit instant de panique. Je suis dépitée. Je n’ai pas trop chaud, je ne suis pas au bout de ma vie… Mais qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Mon champ de vision se trouble, je me sens plus faible. Comme à Paris. Comme à Phalempin (jamais deux sans trois ?)
Pourtant, je n’ai pas le choix, je dois continuer. Je ne ralentis pas, j’avance, les yeux plissés. Beaucoup moins lucide dans les descentes, je manque de tomber plusieurs fois. Le pied qui glisse, le cheville qui se plie… C’est une sensation étrange. La douleur n’est pas encore trop importante, mais j’ai l’impression que mon corps n’a plus tellement envie de me porter. Je me fais dépasser par la fille en rose.
Après une vingtaine de minutes, nous sortons de la forêt pour la fin de la première boucle (qui se termine sur le lieu du départ). Je joue au chat et à la souris avec la fille en rose, mais celle-ci arrive un peu avant moi au deuxième ravitaillement. Onze kilomètres et un peu moins d’1h30 de course. Je bois un coup, je mange ma compote et je fais un point. Je suis contente de la course que j’ai faite jusque là : je n’en espérais pas tant côté chrono. Mais je me sens un peu faible, comme si j’avais déjà donné une grande partie de mon énergie. Petit moment de doute par rapport à la suite… Il me reste au moins 2h30 d’effort et je sens que ça va être très long !
Mais bien sûr, je repars. Je décide d’être un peu plus prudente et de faire plus attention à mon allure. Heureusement, la première partie de la deuxième boucle (qui est différente de la première) est plutôt facile. J’arrive à enchaîner environ 3-4 kilomètres en courant. En ligne de mire : un coureur qui court un peu plus vite que moi… mais qui s’arrête tous les 300 mètres. Avec lui aussi, on ne fait que de se croiser. Guillaume me dit qu’il est cuit et que j’ai pour mission d’arriver avant lui. Mouais, on verra.
Nous traversons un village, avec des gens adorables qui nous encouragent. Je me sens vraiment mieux à ce moment là : j’ai retrouvé une vision correcte et vu que le parcours est facile, je n’ai plus qu’à avancer. Par contre, quelque chose me chiffonne. Nous croisons plusieurs panneaux pointant un kilomètre vertical. Heu, quel kilomètre vertical ? Qu’est-ce que j’ai loupé encore ? Et pourtant, ce n’est pas une blague. Nous arrivons sur la cuvette du parcours : une grosse descente bien raide… suivi d’une grosse montée bien raide, sur 4-5 kilomètres.
Juste avant la descente, un bénévole nous prévient : « soyez prudents, ça glisse ! » Et il avait bien raison. Une descente très technique nous attend, au milieu des cailloux mouillés qui roulent dans tous les sens. Cette fois, pas question de courir à 13 km/h… Je fais de mon mieux pour aller vite, tout en me faisant quelques frayeurs tant ça dérape. D’ailleurs, à un moment, ça ne loupe pas : hop, sur les fesses ! Les cuisses chauffent bien, les genoux aussi. Cette partie assez désagréable se prolonge par une portion sur la route, petit moment de répit pour les jambes. Je me fais dépasser par un couple de coureurs qui ont une allure bien supérieure à la mienne et que je n’avais pas vus une seule fois depuis le départ… Encore un truc qui m’étonne avec ce trail !
Fin de la descente. Je sais que le plus dur m’attend. Bonjour la montée interminable. Pour bien faire les choses, une nouvelle migraine ophtalmique sympathique s’annonce. Bref, je commence à me dire que c’est un peu long… Ça grimpe, ça grimpe, et de toute évidence, ma technique n’est pas très bonne car mon rythme dégringole. Mais je m’accroche, forcément, et j’avale ma deuxième compote pour me donner un peu de courage. Autour de moi, ce sont les mêmes coureurs que je croise. Je finis même par dépasser de nouveau la fille en rose, que je n’avais pas vue depuis quelques kilomètres. Vu que je suis beaucoup plus lente, je suis plus à l’affut de mes sensations. Mon mal de crâne, notamment, ne m’épargne pas.
Le ravitaillement du 18ème, c’est un peu la lumière au bout du tunnel. Une fille à côté de moi est complètement crampée et les bénévoles lui conseillent de manger un truc salé. Cela fait tilt dans ma tête : peut-être que je manque moi aussi de minéraux. Cool, feu vert pour manger des Tucs ! Je supplie au passage la bénévole de me sauver la vie en me donnant un Doliprane. C’est probablement psychologique, mais comme ça, je me dis que je fais quelque chose pour ma migraine.
Un peu difficile de repartir, sachant que le prochain ravitaillement est celui de l’arrivée… Dans 8 kilomètres. Mais allez, on y va ! La fille au tee-shirt rose et la fille au tee-shirt bleu sont juste derrière moi. J’alterne marche et course (enfin, course… je traîne mes petites pattes en levant les pieds, disons !) Côté migraine, mon corps est en dérèglement complet. Dès que je commence à voir plus clair, une nouvelle migraine se déclenche… Et ainsi de suite. J’ai arrêté de compter. J’ai même un peu peur que cela soit plus grave que d’habitude.
Pendant 40 minutes, j’enchaîne les kilomètres qui ne font que de grimper. Cela devient clairement difficile, surtout psychologiquement car j’ai l’impression que le parcours est interminable. Mon allure me déprime un peu, je vois l’heure qui file et je me dis que je ne finirai jamais en 4 heures. Ouf, un petit décroché en descente… Cela sent la fin. Mais non, cela grimpe à nouveau, et sec ! C’est de la torture psychologique, ce truc. Les filles me talonnent, je ne vais pas tarder à me faire distancer. D’ailleurs, cela fait un moment que je n’ai pas doublé qui que ce soit.
Nous passons un nouveau col, avec un ensemble de bénévoles. Et là, la phrase magique « ça descend jusqu’à l’arrivée ! » Je me réveille et je décide de finir convenablement. Sauf que derrière, les filles ont elles aussi appuyé sur l’accélérateur. Je les sens juste derrière moi et cela me stresse un peu. J’allonge la foulée. La descente est un poil technique avec beaucoup de cailloux, mais elle me permet quand même d’avancer. J’accélère, j’accélère… Je double deux hommes. Les filles gagnent du terrain. J’accélère encore… et enfin, j’arrive à mettre un peu de distance entre elles et moi ! J’aperçois l’arche d’arrivée à 500 mètres, ce n’est pas le moment de lâcher. Je double encore quelques personnes (pas vues depuis des lustres). Plus que 100 mètres à parcourir et un dernier petit effort en côte… Je sens les larmes monter. Je passe la ligne d’arrivée pleine d’émotion.
J’arrête ma montre. Je ne l’avais pas regardée depuis un moment. Et surprise, le chrono final est de 4h00 tout pile ! Une belle surprise plutôt inattendue.
Bilan
J’ai passé une course formidable, dans un environnement magnifique. Malgré les petites difficultés du parcours (sa longueur et son dénivelé notamment), j’ai pris beaucoup de plaisir. Même si je ne fais pas beaucoup de trail (notamment parce que par chez moi, c’est très plat – et moche), c’est une discipline que j’adore et qui me correspond totalement. Un peu intimidée par les autres concurrents au départ, je me suis longtemps demandé si j’avais ma place parmi tous ces montagnards… Finalement, la course m’a prouvé que moi aussi je pouvais y arriver. Si je compare à mon premier « vrai » trail de l’année dernière, je sens aussi que j’ai beaucoup progressé. Je termine en bien meilleur état (si on oublie les migraines), avec une jolie pointe de vitesse sur les derniers kilomètres. Encore une fois, c’est certain : je compte ne pas m’arrêter là !
Myrtilla
Hey bravo !! ça ne doit être vraiment pas évident les trails, avec toutes ces montées ! Moi qui ai horreur de ça, je ne sais pas si j’y arriverai à en faire autant, surtout pendant 4h :O Bravo en tous cas ! 😀
Rhapsody in Green
C’est sûr que les montées, ça pique 😛 Mais l’effort est vraiment différent en trail… Je trouve que 4h de trail, ça passe quand même mieux qu’un marathon ! Bisous
The MarSienne
Coucou Astrid,
J’aime toujours autant lire tes compte-rendus de courses. J’aimerais beaucoup un jour tester un trail mais un petit et gentil trail pour ne pas me dégouter eh eh!
Bravo pour ton parcours et je suis heureuse que la fille en rose et bleu ne t’aient pas dépassé à l’arrivée 😉 Bizzzz
Rhapsody in Green
Merci ma belle ! Oui il faut commencer avec un gentil 😀
Il y a plein de petites épreuves, d’une dizaine de kilomètres max, pour pouvoir tester. Mon tout premier c’était un trail mi-chemin, mi-route, avec pas trop de dénivelé, c’était sympa. Bisous
Camille
Que ça donne envie !
J’aime énormément lire les compte-rendus de course, et le trail m’impressionne vraiment beaucoup ! Je n’en ai jamais fait – sauf la partie course des Spartan Race, mais c’est pas vraiment la même chose – mais je me fixe comme objectif d’en essayer l’an prochain !
Rhapsody in Green
Merci pour ton petit mot Camille !
Super si tu tentes le trail l’année prochaine… Par contre attention, on peut vite devenir accro 😉
bises
Foutrak
Très joli CR ! J’adore ! À quand le prochain alors ?
Rhapsody in Green
Le plus vite possible, je l’espère !
Mais le drame de ma vie c’est d’habiter loin des montagnes, donc ce ne sera peut-être pas avant l’année prochaine… tristesse. Merci beaucoup sinon pour ton commentaire, ça me fait super plaisir que tu m’aies lue !