Cela fait trois ans que je me suis mise au trail, et j’attends chaque année avec impatience l’arrivée des beaux jours pour retrouver les cailloux. Pourtant, le trail n’est pas une discipline exclusivement estivale. Elle se pratique par tous les temps, tous les terrains et toutes les conditions ! J’avoue ne pas être spécialement amatrice de boue et de terrains glissants, mais je n’ai jamais écarté l’idée de ressortir mes crampons en plein hiver.
Dynamique de groupe aidant, je me suis retrouvée un peu par hasard inscrite au trail de Pierrefonds avec tous les copains du club. Une épreuve de 26 kilomètres, 600 mètres de D+ et surtout… en plein mois de janvier. Cette distance, je l’ai déjà courue plusieurs fois. Le dénivelé ne me faisait pas spécialement peur… Alors j’ai pris ma préparation un peu à la rigolade. En fait, en guise de préparation spécifique, je n’ai tout simplement rien fait. J’ai continué à m’entraîner régulièrement, mais avec des objectifs tout autres en vue. Erreur stratégique ? Je vous raconte tout cela !
Retrait des dossards dans un décor médiéval
Pierrefonds est une petite commune de l’Oise (Picardie) connue pour son grand château fort, qui domine toute la ville. C’est d’ailleurs au pied du château que démarre la course. Le dimanche matin, le réveil sonne un peu avant 6 heures. Cette étape est toujours la plus dure. Moment de flottement, remise en question… Mais pourquoi au juste est-ce que l’on s’inflige ça ? Je me reposerai la question une deuxième fois en rentrant dans la voiture et son thermomètre qui affiche les zéro degré.
En arrivant à Pierrefonds, ce sont les embouteillages. Nous croisons des centaines de coureurs habillés comme s’ils partaient pour l’UTMB. Il faut dire que ce trail connaît un petit succès : plus de 3000 participants toutes épreuves confondues. Dans les petites rues médiévales, cela en fait du monde ! On tourne en rond un bon moment, avant de rejoindre le parking en herbe le plus excentré. Nous n’avons pas encore nos dossards et il ne faut pas perdre trop de temps.
On trottine jusqu’au point de retrait… Dossards en poche. Puis retour à la voiture en trottinant… Mais l’heure tourne et bien sûr, nous sommes presque en retard. Deux kilomètres supplémentaires au compteur, un petit shot d’adrénaline plus tard, nous arrivons au niveau du départ trois minutes avant le lancement. Il fait froid, il fait gris, mais l’ambiance est sympathique.
La course
Top départ ! Tout le monde part à fond et cela se bouscule déjà. Les premiers mètres se font en descente, en longeant le château, alors forcément, cela va vite. J’essaie de ne pas m’emballer et je me répète que 26 kilomètres, c’est long. Je me fais dépasser par les copains du club, que je laisse filer au loin. Aujourd’hui, je n’ai aucune stratégie et je n’ai pas activé le mode guerrière. Ce sera la sortie longue du dimanche.
La première portion du parcours est plutôt roulante. Les premiers kilomètres se font sur la route, avant de plonger dans la forêt de Pierrefonds. Le rythme est plutôt correct, même si je sens que je ne suis pas en grande forme. Je n’ai pas plus de motivation que ça et je suis encore toute endormie.
Vers le sixième kilomètre, nous attaquons la première vraie côte. Ça glisse, je trébuche sur une racine, et mes cuisses prennent feu assez rapidement. Alors je marche, c’est plus économique – et je suis toujours prise d’une énorme flemme aujourd’hui. La côte n’est vraiment pas très longue, il faut relancer par la suite. Ce que je fais, en reprenant mon bout de chemin dans la forêt, avec un rythme qui se maintient.
Honnêtement, j’ai toutes les peines du monde à me repérer. Tous les kilomètres se ressemblent : chemins forestiers, arbres nus, sentiers en terre, souvent un peu boueux. Au moins, le parcours est très roulant. Il fait environ 1 degré mais je suis bien équipée alors je n’ai pas trop froid. J’enlève et je retire mes gants plusieurs fois. J’essaie de me forcer à boire également : je n’ai pris avec moi qu’une petite flasque de 250 mL ainsi qu’une pâte de fruits. Cela devrait suffire jusqu’au ravitaillement.
Je passe le 10 ème kilomètre en 59 minutes environ. Pas trop mal, il ne faut pas lâcher prise. Mais je commence à avoir un petit coup de mou, surtout moralement. Vivement le ravitaillement ! Enfin, le voilà, au 13 ème kilomètre. Je m’arrête pour boire un coup. Alors que des flocons de neige commencent à tomber, je me prends d’envie pour un verre de coca. Le liquide est glacé et me brûle la gorge, mais cela fait tellement de bien ! Je croque dans un petit carré de chocolat pour me donner du courage. Dire qu’il reste encore le double à parcourir…
C’est reparti ! Une longue ligne droite qui serpente le long d’un lac me permet de relancer un peu l’allure. Cela devient un peu long cette affaire, et je commence à faire la tête en abordant les nouvelles côtes. Au 16 ème kilomètre, je démarre le compte à rebours. Psychologiquement, je peux commencer à me projeter sur la ligne d’arrivée. Je discute avec un coureur très sympa, ce qui fait passer le temps plus vite.
Au niveau des jambes, ce n’est plus trop ça. Je me fais dépasser (mais d’où viennent tous ces gens ?) et vraiment, je n’ai pas envie de me battre. L’immense tranchée de boue du 18 ème kilomètre continue de m’achever. Les pieds glissent, l’allure chute alors que l’effort est plus important… Ce n’est pas très encourageant.
Officiellement, je n’en peux plus au 20 ème kilomètre. Je me maudis un peu d’avoir eu cette idée ! La fin de course se fait au mental, en essayant d’oublier mes jambes en miettes, mes pieds en sang, et mon moral dans les chaussettes. A quatre kilomètres de la fin, j’aperçois le parking où notre voiture est garée. Un instant, j’envisage de prendre un raccourci et de couper court au calvaire.
Mais bien sûr, j’ai continué, en serrant les dents. La fin de parcours est un peu plus chaotique. Je n’arrive plus à attaquer les côtes et je marche tellement lentement dans les grimpettes que je laisse filer de nombreux coureurs devant moi. Seules les descentes me permettent d’allonger un peu la foulée. Sur le plat, je dois résister à l’envie de marcher. Je pense au marathon de Paris, que je courrai dans moins de 3 mois. Cela me donne un peu de courage.
Enfin, la montre sonne l’arrivée du dernier kilomètre. Après une petite bosse, il ne reste plus que de la descente. Je maintiens le rythme, jusqu’à apercevoir l’arche d’arrivée à 400 mètres de là. Derrière moi, un petit groupe de filles dévale à toute vitesse pour me rattraper. Je peux accélérer, mais l’envie et les forces n’y sont pas. Je me fiche complètement de mon classement (que j’estime vraiment pas terrible) et je les laisse me doubler. Quelques instants après, je passe moi aussi la ligne d’arrivée. Délivrance après 2h53 de course.
Hypothermie et retour sur terre
A l’instant même où je m’arrête, tout mon corps me fait douloureusement sentir l’importance de l’effort fourni. J’ai mal aux jambes, mon dos tire, et personne n’est là pour m’accueillir à l’arrivée. Je m’assois sur un banc quelques minutes, la tête entre les mains. Clairement, je suis mal, mais j’ai besoin de me ravitailler. Je n’ai pas pensé à remplir ma flasque pendant le parcours et je n’ai pas beaucoup bu. Je marche tel un zombie jusqu’aux bénévoles. A nouveau, j’ai envie de coca. Deux grands verres, un quartier d’orange, un peu de pain d’épices. Je cherche les copains du regard : personne.
Mon téléphone s’éteint au moment où je le sors de ma poche. D’un coup, le froid me saisit. Je me sens glacée jusqu’aux os. Les dents claquent, tout le corps se met à trembler, les mains se raidissent. Je n’ai qu’une pensée : me mettre au chaud. Je décide de marcher en direction des voitures, complètement cassée en deux. Chaque pas est douloureux et j’hésite vraiment à rentrer dans le premier magasin que je croise tellement je suis frigorifiée. Heureusement, je retrouve l’équipe du club environ 500 mètres plus loin. J’ai du mal à tenir debout, alors les copains me calent dans leur voiture, en attendant de retrouver Guillaume (et les affaires de rechange !)
Je mets de longues minutes à me réchauffer, et je continue de claquer des dents malgré la doudoune et ma grosse écharpe. Cette première partie post-course est particulièrement violente. Les autres coureurs ont connu eux aussi quelques difficultés sur le parcours, mais ils réalisent tous de jolies performances. Alors pour célébrer cela, direction le resto tous ensemble !
Épilogue
Quelle course ! Je suis contente d’être allée au bout et de n’avoir rien lâché, malgré un mental chancelant. Je me classe au final 743e sur 1322 (69e femme sur 267). C’est un peu décevant mais il faut le reconnaître : je n’étais pas bien préparée ! Le trail, ce n’est pas que de « longues » distances. C’est aussi une préparation physique spécifique, qui passe par des entraînements en côte et du renforcement musculaire. Tout ce que je n’ai pas fait depuis 6 mois. C’est de bonne guerre, et je n’ai aucun problème à reconnaître que j’ai pris la course un peu trop à la légère.
Le parcours en lui-même est plutôt chouette. Très roulant, très abordable, dans un environnement naturel et rassurant. A cause des températures très basses, nous n’avons pas eu énormément de boue… Mais certains passages étaient plus délicats que d’autres. L’année précédente, les coureurs ont pataugé dans la boue tout le long du parcours. En tous cas, l’organisation était très bien rodée, et tout s’est bien passé.
Pour être honnête, je n’ai pas pris énormément de plaisir sur ce trail. Lorsque je cours des trails plus « montagnards », j’ai toujours une immense vague d’émotion et de joie qui me submerge. Cela n’a pas été le cas cette fois-ci, peut-être parce que l’environnement m’était plus familier. Le parcours est également un peu monotone, et j’ai eu l’impression de tourner en rond. Bref, cela ne reste pas ma meilleure expérience à ce jour, mais je suis heureuse de l’avoir vécue.
Pour conclure, je dirais que j’ai retenu deux choses. Le trail, cela ne s’improvise pas. Et définitivement, je préfère les trails estivaux, avec des cailloux et plus de dénivelé ! Je garde la boue et la terre pour les cross, ce qui me suffit amplement. Et vous, quelles sont vos préférences ?
Ornella
Alors ça, c’est typiquement le genre de discipline dont je suis incapable…
Rhapsody in Green
Je suis sûre que tout le monde en serait capable… Après ça ne plaît pas à tout le monde, et il faut avant tout se faire plaisir avec quelque chose qui fait sens pour nous 🙂
Carnet de Lucie
Bravo quand même d’avoir réussi à le finir ! Je ne serais pas capable de faire ce genre de chose donc un grand BRAVO !
La ville a l’air très belle *-*
Rhapsody in Green
Merci beaucoup ! La ville est super belle, en effet !
Myrtilla
Eh ben, quelle course ! En tous cas bravo d’être allée jusqu’au bout ! Je n’ai jamais fait de trail, mais rien que quand j’essaie de courir en montées dans la forêt vers chez moi, j’en ai vite marre ahaha bref il y a plus de chances que je fasse un marathon prochainement plutôt qu’un trail je crois 😛 ou bien il existe des trails à plat ? 😛
Sinon je trouve que tu as quand même fait une belle performance, vu les conditions ! 🙂
Rhapsody in Green
Oui, les trails plats (ou presque) existent, il y a vraiment de tout ! De mon côté, j’aime bien les montées, qui cassent la monotonie et qui te font travailler différemment. Après même si tu n’aimes pas trop les côtes, n’hésite pas à tenter un petit trail quand même. C’est complètement différent des côtes sur le bitume (que je n’aime pas beaucoup non plus). Merci beaucoup en tous cas ! 😀