En course à pied, tout ne se passe pas toujours comme prévu. Parfois, on arrive sur la ligne de départ de la course dans les meilleures dispositions possibles. Parfois, les sensations sont mauvaises et on peut passer totalement à côté d’un objectif. C’est l’école de l’humilité, de la patience et de la résilience : je l’ai appris au fil du temps. Il ne s’agit que d’un sport, d’un loisir… Mais pourtant, on peut s’impliquer dans son sport avec passion, quel que soit son niveau de pratique. La course à pied fait partie de ma vie depuis quelques années maintenant, et cela a indubitablement contribué à faire de moi une personne plus épanouie et en meilleure santé. J’aime m’impliquer à cent pour cent dans ce que je fais, alors je prends à cœur chacune des réussites… mais aussi chacun des échecs !
L’année dernière, j’avais participé au semi-marathon de Reims. Malheureusement, j’en garde un mauvais souvenir car la course s’est très mal passée. Cette année, je suis venue prendre ma revanche sur l’événement, et fabriquer des souvenirs plus heureux !
Retour sur l’édition 2018
En 2018, je suis arrivée sur la ligne de départ dans un grand état de fatigue. Un peu surmenée, en manque de sommeil chronique, deux nuits presque blanches dans les pattes… J’étais également très prise par mon travail et les préparatifs de mon mariage. Clairement, je n’étais pas dans les meilleures dispositions. Les entraînements ne s’étaient pas non plus tous bien passés, et cela aurait dû m’alerter. Pendant les fractionnés courts, j’avais souvent la sensation de courbatures, de jambes lourdes, comme si le moteur n’avait plus d’essence. Avec le recul, je pense que je manquais de fer et de magnésium, car ces sensations ont disparu dès que je me suis complémentée.
Lorsque j’ai pris le départ de la course, j’ai senti très vite que quelque chose n’allait pas. Les jambes tournaient, mais le cœur n’y était pas. Je me suis vite sentie en dehors de ma course, et les pensées négatives ont commencé à affluer dès les premiers kilomètres. Je tenais sans grande difficulté l’allure prévue, mais j’ai réalisé que j’étais incapable de courir une telle distance ce jour là. Après 5 kilomètres, ma respiration s’est coupée d’un coup, comme si la panique m’envahissait. J’ai tenté de reprendre sur une allure plus douce, mais le mental avait déjà abandonné. Un kilomètre plus loin, j’ai mis le clignotant, préférant arrêter les frais avant de me blesser.
J’ai très mal vécu cet abandon. Pas tellement à cause de la course ratée : cela m’arrive de temps en temps, et je le prends toujours avec philosophie. Mais plutôt à cause de l’immense frustration engendrée par la fatigue et mon incapacité à joindre les deux bouts. Courir, c’est que j’aime faire de mon temps libre. Mon état de santé de l’époque ne me le permettait plus (au niveau souhaité), et cela a été difficile à encaisser.
Ce coup dur m’a permis de revoir la liste de mes priorités : j’ai commencé par couper complètement pendant quinze jours et je me suis promis de placer le sommeil au centre de mes préoccupations ! La reprise s’est faite progressivement, et le reste de l’année a été heureusement moins chaotique…
Ma préparation 2019
A la rentrée, j’ai changé de club d’athlétisme. Cela n’était pas prévu à la base, mais mon ancien coach a décidé de ne plus s’occuper des entraînements. Je me suis donc rapprochée d’un club plus près de chez moi afin de continuer à être encadrée. J’ai commencé ma préparation au semi-marathon toute seule, et j’ai été coachée sur toutes les séances suivantes. Le changement a été bénéfique !
A relire : S’entraîner en club
J’ai gardé le même cadre que pour ma prépa marathon : 4 séances par semaine, auxquelles j’ai rajouté une séance de natation en club. Cela m’avait permis de bien progresser au printemps dernier. Ces derniers temps, les progrès se sont confirmés – et ont même dépassé mes espérances ! Mes chronos aux entraînements n’ont jamais été aussi bons, et j’ai tenu des allures que je n’aurais jamais imaginées en rêve. Bref, tout allait bien, même si quelques troubles du sommeil commençaient à pointer leur bout du nez…
Après 10 semaines d’entraînement, mon nouveau coach m’a proposé de partir sur une allure de 4’40/km soit un chrono final de 1h38. Ambitieux et inespéré, mais après tout, pourquoi pas ? Tous les gros blocs d’allure ont été courus plus vite que cela, sans difficulté majeure, alors cela ne paraissait pas insurmontable. J’ai fait une belle préparation, toutes les séances se sont passées à merveille, et je suis très contente d’être allée au bout. Aucun regret à ce niveau là !
La dernière semaine avant la course
Mon problème, c’est le sommeil et la gestion de la récupération. Mon cerveau fonctionnant par mimétisme, j’ai eu beaucoup de mal à me détacher du contexte de l’année dernière. J’ai eu peur de répéter les mêmes erreurs et d’arriver tout aussi fatiguée sur la ligne de départ. Évidemment, cela n’a pas manqué : insomnies à répétition, indicateurs dans le rouge. Cardio un peu trop haut au repos, qui s’affole plus que d’habitude… Même ma montre n’a cessé de m’inquiéter en m’affichant des statuts décourageants (conditions de performance : -3, désentraînement, entraînement non productif…) La technologie, c’est bien, mais pour le coup j’aurais préféré ne pas voir tous ces indicateurs et me fier uniquement à mes sensations.
Quelle angoisse ! Je n’étais pas au mieux de ma forme, je le savais. Si vous aviez un doute, le sommeil est crucial, ce n’est même pas la peine d’espérer de performer si le corps n’est pas un minimum reposé.
Bon, et maintenant, qu’est-ce que j’allais faire de cela ? J’ai commencé par faire le deuil du chrono promis : j’y arriverai un jour, mais pas dans ces conditions de fatigue. Alors j’ai préféré me concentrer sur le positif : j’ai progressé, la prépa a été parfaite, alors je suis quand même capable de faire quelque chose de bien. Allez, si je cours en moins de 1h44-1h43 cela sera déjà un joli record. On y croit !
Compte-rendu de la course
On y vient enfin : le compte-rendu de la course ! La dernière nuit n’a pas été très réparatrice. Je me suis couchée tôt mais je n’ai pas trouvé le sommeil naturellement. J’ai préféré tricher avec un somnifère pour me reposer quelques heures quand même. Ce qui est ironique c’est que mes pensées n’ont pas du tout été préoccupées par le semi-marathon : pas de stress à ce niveau, simplement une désespérante envie de dormir sans pouvoir y arriver…
Le réveil sonne à 5 heures et je ne me sens pas si mal que cela. Petit déjeuner bien rodé (demi banane écrasée, tisane, deux tartines de miel et beurre d’amande), nous mettons les voiles pour Reims à 6h30. Il pleut déjà, nous roulons dans la nuit noire avec une musique motivante dans les oreilles. Nous garons la voiture à l’emplacement habituel (c’est déjà notre quatrième édition du Run in Reims, on commence à avoir nos habitudes !). Vu les conditions météo, je prévois de déposer nos sacs à la consigne… Sauf que nous n’avons jamais réussi à la trouver et nous perdons un peu de temps et d’énergie à tourner en rond dans les rues de la ville. Tant pis, ce sera un aller-retour à la voiture, et un pipi de dernière minute accroupie par terre.
Nous sommes quand même à l’heure pour rentrer dans notre SAS de 1h40. Nous retrouvons quelques copains et nous papotons tranquillement en attendant le top départ. Je suis sereine, j’ai bien digéré, et j’ai hâte de mettre toute cette expérience derrière moi. Je n’ai pas vraiment de plan d’action : l’idée est de ne pas partir trop vite, et de tenter une allure dans les 4’45-4’40/km tant que cela tient.
Le départ est lancé et dès les premières foulées, un grand sourire se forme sur mes lèvres. J’adore courir, la vitesse, les compétitions, l’ambiance… Et je suis contente d’être là. Les jambes ne sont pas trop lourdes, on verra bien comment cela se passe. Guillaume est à côté de moi pour faire le lièvre et m’encourager. De mon côté, j’ai posé le cerveau et je me concentre uniquement sur l’allure et les sensations, sans me mettre de pression.
Les premiers kilomètres sont plutôt roulants, ce qui est bien pratique pour ne pas se mettre dans le rouge trop vite. Même si les jambes avancent selon l’allure prévue, je sens bien que je suis fatiguée. J’ai envie de dormir et je sais que je n’ai pas de réserve d’énergie. Normalement, sur semi-marathon, on doit avoir l’impression de devoir se freiner les premiers kilomètres. Là, ce n’est pas le cas. Je dois déjà rester concentrée pour ne pas ralentir. Après 5 kilomètres, je me demande un instant si je vais réussir à aller au bout. Hors de question de ne pas franchir cette ligne d’arrivée, alors je prévois de découper ma course en tronçons. Kilomètre par kilomètre, c’est long, mais cela occupe l’esprit. La pluie tombe en continu depuis le début, mais cela ne me dérange pas. Au moins, je n’ai ni trop chaud, ni trop soif.
J’essaie de tenir le rythme jusqu’au 10ème kilomètre, en étant persuadée que je vais forcément ralentir par la suite. Je passe finalement la borne en 46’59, soit seulement 29 secondes de plus que mon record sur la distance. Pas mal, mais la suite va être difficile. Les calculs savants se bousculent dans ma tête, mais je sais qu’avec cette bonne première partie de course, le record est à ma portée. Guillaume me passe un peu d’eau et une compote, mais j’ai beaucoup de mal à me ravitailler en courant. Tant pis pour la glycémie, il faudra bien que cela tienne pendant la course.
A partir du onzième kilomètre, le parcours devient plus difficile. Les montées cassent mon rythme, moi qui avais déjà du mal à le maintenir sur le plat. Le douzième ne me permet pas non plus de relancer. En fait, un semi-marathon c’est plus difficile que dans mes souvenirs ! Le souffle devient un peu plus court et je commence à ronfler un peu. Nous empruntons un canal sur une longue ligne droite, l’occasion de récupérer quelques secondes perdues. Mais décidément, je n’arrive pas à accélérer. Je regarde ma montre, un peu déçue, toujours en lutte pour maintenir le rythme. Il reste tant de kilomètres avant la fin !
Peu après un virage en épingle à cheveux, je me fais doubler par le meneur d’allure 1h40. J’ai à ce moment là parcouru 14 kilomètres. Je puise dans mes réserves mentales pour l’accrocher le plus longtemps possible, et j’arrive à le garder en ligne de mire pendant deux kilomètres supplémentaires. Le vent de face s’est invité, les pieds sont trempés et je n’ai plus peur de sauter dans les flaques d’eau : tous mes vêtements sont imbibés et je crois que je n’ai jamais vécu de course aussi… humide.
Que c’est long, que c’est dur ! Je relâche un peu l’allure pour permettre au mental de souffler quelques secondes. A partir du 17ème kilomètre, presque toutes les difficultés du parcours sont concentrées au même endroit. La montée vers la cathédrale me coupe les jambes, je dois redoubler d’efforts pour ne pas ralentir encore. Le passage sur les pavés et les virages me portent le coup de grâce un peu avant le 19ème kilomètre. Je crois bien que je n’arriverai jamais. Guillaume me crie que nous n’avons que 50 secondes de retard sur l’objectif de 1h40 mais je ne le crois pas (et en plus, je pensais qu’il me parlait de l’objectif 1h42). En fin de course, je ne regarde jamais le temps total pour ne pas me démoraliser. En fait, j’aurais dû !
Au 20ème kilomètre, je retrouve un sursaut d’énergie, et j’arrive enfin à allonger la foulée. La fin est proche, mais le tout dernier kilomètre est interminable (et le parcours toujours aussi peu roulant). Quand enfin, j’aperçois l’arche au loin. Guillaume continue de m’encourager et me pousse à accélérer : je dois sprinter en moins de 30 secondes pour finir en 1h40. Je ne comprends toujours pas, le meneur d’allure m’a pourtant doublée il y a longtemps… J’évalue la distance qui me sépare de l’arrivée. C’est trop juste pour la parcourir en 30 secondes. Néanmoins, je donne tout ce dont je suis capable. Je sens le sang quitter viser mon visage, les étoiles commencer à apparaître au coin des yeux… Et bim ! Finisher en 1h41’12.
Je regarde ma montre un peu interloquée. Mais c’est bien, en fait ! Je pensais terminer ce semi-marathon en 1h42 et j’étais déjà bien contente mais là… Il ne manque que 13 secondes pour faire 1h40. Guillaume se moque : « mais oui, je te l’avais dit ! » Treize petites secondes… Est-ce que j’aurais pu aller les chercher aujourd’hui ? Honnêtement, je ne sais pas. Je me suis déjà beaucoup battue pour franchir cette ligne d’arrivée. Mais pour faire ce chrono dans d’autres conditions alors là : OUI, j’en suis capable !
Épilogue
Je suis contente. C’est un beau chrono, je suis allée le chercher au mental, et c’est une belle récompense après des semaines d’entraînement. La pluie tombe de plus en plus fort et je commence à geler sur place. Le short et le débardeur, c’est parfait pour courir léger… Mais il faut vite se couvrir pour ne pas risquer l’hypothermie. La voiture est malheureusement assez loin, et je suis un peu cassée, mais je préfère trottiner (enfin, boitiller) pour me mettre à l’abri au plus vite. Moteur en route, chauffage à fond… Les affaires de rechange sont sèches et c’est un bonheur ! Guillaume me fait remarquer que mes lèvres sont complètement bleues et c’est vrai que je ressemble à un petit glaçon.
Et voilà, le Run in Reims 2019, c’est terminé. Je suis vraiment soulagée d’avoir pris une belle revanche. J’ai trouvé que le parcours n’était pas si facile, notamment en deuxième partie, avec beaucoup de relances. Il a apparemment été changé par rapport aux éditions précédentes. J’ai entendu un coureur dire qu’il était plus difficile qu’avant, et mes acolytes de running ne l’ont pas tellement apprécié non plus… Si je devais comparer, je dirais qu’il équivaut au semi-marathon de Paris. En tous cas, ma montre m’a quand même annoncé 150 mètres de dénivelé (à comparer avec des données officielles). L’ambiance était un peu morose cette année (peu d’encouragements sur le parcours), mais vu la météo catastrophique, cela se comprend !
De mon côté, je vais enfin prendre le temps de me reposer, de bien récupérer… Et retrouver de meilleures sensations avant le semi-marathon de Boulogne-Billancourt !
Alex
Bravo Astrid, très belle revanche et c’est toujours sympa de lire tes comptes rendus…
Rhapsody in Green
Merci beaucoup, je prends beaucoup de plaisir à les écrire !
Myrtilla
Tu es épatante !! Ce chrono de malade quoi, tu as vraiment assuré ! Hâte de lire ton compte-rendu du semi d’aujourd’hui 😉
Rhapsody in Green
Merci beaucoup, c’est super gentil ! Je ne sais pas encore si je ferai un compte-rendu pour Boulogne, j’ai déjà d’autres articles à publier avant. Je verrai si je me motive 😉
Philippe
Belle performance. Toutefois, il me semble que prendre un somnifère la veille d’une compétition n’est pas une bonne idée. Il a été démontré que la nuit précédant un marathon n’a que très peu d’influence sur la performance (une nuit blanche n’empêche pas de performer). Par contre, les nuits précédentes sont beaucoup plus importantes. Si on se présente sur la ligne fatigué parce que l’on a accumulé un manque de sommeil, ou souvent parce que l’on s’est trop entrainé la semaine précédente (ne pas faire confiance à sa montre, c’est normal d’être en sous-entrainement avant une grosse compétition) est « catastrophique ».
Bonne continuation dans ce magnifique sport 😉
Philippe (coureur amateur mais qui aime la compétition)
Rhapsody in Green
Bonjour Philippe, oui je connais la théorie sur l’absence d’effet d’une nuit blanche sur les performances… Seulement dans mon cas, je me sens très mal si je ne dors pas. Et je me connais suffisamment pour savoir qu’il vaut mieux que je prenne un somnifère plutôt que de passer une mauvaise journée. Choix assumé 😉 Et la montre n’est pas parfaite, mais elle arrive quand même bien à déceler mon état de forme. Avec le recul, je n’étais pas en sous-entraînement mais bien en début de sur-entraînement, d’où la perf qui aurait pu être meilleure. Ce n’est pas grave, il y aura de prochaines fois !